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Libération
Reportage

«On ne sait plus quoi faire» : à Tijuana, à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, les migrants pris au piège de la politique de Trump

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Ils sont des milliers venus d’Amérique du Sud et du Mexique à se fracasser symboliquement sur le mur frontalier. Depuis l’investiture de Donald Trump, migrer légalement aux Etats-Unis est devenu impossible et des milliers d’expulsions ont lieu chaque semaine.
Lucía Zavala respire l'air marin, symbole de liberté, en attendant de pouvoir traverser la frontière américaine avec sa famille. (Felix Marquez)
par Diego Calmard, envoyé spécial à Tijuana
publié le 25 février 2025 à 6h08

Lucía Zavala (1) n’avait jamais fait face au vide de l’océan. Le bruit des vagues ainsi que la sensation de l’écume du Pacifique sur son visage ; tout cela l’émeut malgré le froid et le crachin du large. La découverte de la mer, c’est la liberté pour cette Mexicaine de 25 ans qui s’est trop habituée aux refuges du nord et qui veut oublier la violence du sud où elle a grandi. Ironie encore : cette sensation de légèreté, elle la ressent face à d’imposants pylônes d’acier qui cisaillent la côte et se jettent dans le Pacifique pour délimiter le Mexique, son pays, et les Etats-Unis, son rêve.

Une quarantaine de tentes dans un bâtiment aux allures d’entrepôt, la ligne frontalière à 200 mètres de là : au refuge Juventud 2000, dans le centre de Tijuana, Lucía partage depuis trois mois une tente unique avec ses parents, sa fille Lupita et ses trois frangins. De son Etat du Michoacán natal, elle se souvient de son adolescence avec sa mère à vendre des tortillas, des après-midi brûlants avec sa sœur à cueillir des fraises qu’elle ne mangera pas. Lucía a la nostalgie de presque tout sauf de la pauvreté et de la violence. Après sa séquestration par la mafia locale pour l’exploiter elle et ses frères dans le trafic de drogue, la famille a dit stop. «Mon frère a été frappé, mes parents aussi. Après ma libération, on a tout plaqué en deux jours. On a pris nos sacs à dos, on est partis pour la capitale et on a pris un billet pour Tijuana.» Et maintenant, l’attente.

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